Expédition AIN D'HAB 2010
Jbel Essarj - Tunisie
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Patrice PIERRET a rapporté en 1980 à la suite d’une exploration à Ain D’Hab “…des traces de pas !! il s’agit en fait d’un homme et un enfant, premiers spéléologues tunisiens dont l’adulte a passé de vie à trépas en refranchissant la voute mouillante…nous avons trouvé dans le conduit noyé le squelette de l’adulte, très spectaculaire de découvrir des ossements à travers un masque, dans une eau limpide, en apnée " Découverte macabre certes mais qui atteste que Ain D’Hab est le berceau de la spéléologie tunisienne.
C’est sur ces traces de pas que le Spéléo Club MJ de Zaghouan a choisit Ain D’Hab pour faire hisser la spéléologie tunisienne à un palier supérieur, et c’est là que commence l’expédition AIN D’HAB 2010.
L'entame
L’expédition Ain D’Hab 2010 a débuté dans une ambiance festive le 1er janvier, la joie et la bonne humeur étaient les mots d’ordre. Nous sommes arrivés le 01/01/2010 vers 20h à Siliana où nous avons passé la nuit pour pouvoir entamer l’expédition de bonne heure le lendemain matin. On pouvait clairement voir la motivation et l’envie de réussir sur les visages des membres, surtout après un mois et demi de préparation intensive basée sur les résultats des deux expéditions précédentes. La dernière a permis de localiser avec certitude le point de passage vers le niveau fossile de la grotte et le matériel nécessaire pour l’équiper.
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L'équipement
Arrivés sur le site le lendemain à 11h. Après avoir installé le camp de base et déjeuné, une première équipe chargée de l’équipement formée par Sami, Sofyen et Ghassen et dirigée par le chef de l’expédition Khomsi est entrée dans la grotte vers 14h pour atteindre le point de passage une heure plus tard.
L'ÉQUIPE CHARGÉE DE L’ÉQUIPEMENT
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NOTRE PÈRE NOËL" SAMI" |
L’équipement de ce passage a sollicité beaucoup d’efforts vu la difficulté du relief revêtu en plus d’une épaisse couche d’argile. Nous avons utilisé un équipement spécial conçu par Khomsi et usiné spécialement pour l’expédition par le chef d’équipe "Innovations" à savoir Tarek. Et encore, il manquait quelques mètres que les qualités de grimpeur de Sami les ont achevé par le biais d’une escalade périlleuse, bravo Spiderman… et oublions l’histoire de Batman.
L’équipe est sortie vers 18h. Un diner copieux et une petite fête célébrant le nouvel an furent préparés par les soins de l’équipe "Logistique".
L'exploration
Le deuxième jour était le grand jour de l’exploration. Tout le monde est concentré sur l’objectif de l’expédition qui est d’atteindre la salle des fistuleuses. Une équipe est entrée pour repérer le passage pour les grandes salles et a réussi à atteindre la première.
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Après le diner et le rapport de Raja, la tension est montée d’un cran : nous sommes si près du but planifié depuis des mois. La dernière entrée dans la grotte était pour l’équipe "Photo" composée de Meher, Mourad et Hamda (qui a conçu un système d’éclairage très efficace). Il y avait aussi un membre de l’ "Equipement" Sofyen et le chef Khomsi. Le début de la progression dans le niveau fossile était conforme à la topographie, mais au delà de la première salle, la topo devenu floue et très imprécise surtout sur l’orientation. En fait, il est indiqué que les salles sont sur le même axe, or ce n’est pas du tout le cas. Nous avons du chercher les passages d’une salle à une autre par nos moyens. Nous serons dans l’obligation de refaire la topographie dans l’avenir.
La première salle est très grande, longue de 75 mètres, un vaste chaos avec des gours et de belles concrétions. La salle suivante est moins grande, 25 mètres de longueur, avec une arrivée d’eau par le haut qui forme un lac, là aussi ce n’est pas évident de trouver le passage à la salle suivante qui est impressionnante avec son talus d’argile, ses disques et ses fistuleuses (courtes). Son fond est un lac que nous avons pu franchir par son milieu par chance car il était sec.
Les fistuleuses
Cette salle se termine par une barrière escarpée qu’il faut contourner et remonter une pente pour entrer dans une nouvelle salle. De très belles concrétions à gauche et puis en regardant tout droit, tout le monde s’est tu, le rêve est devenu réalité, nous venons juste d’apercevoir de longues fistuleuses pendant du plafond comme des fils de soie. Un silence profond s’est installé sur le groupe pendant de longues minutes, le premier mot prononcé sortait de la bouche de Khomsi "RESPECT". Et oui, respect pour Dieu qui a crée cette beauté magnifique et respect pour les membres du club qui ont tout mis pour atteindre cet objectif.
Les fistuleuses, leur beauté c’est leur finesse, elles sont des concrétions en forme de tube, constituées d’un seul cristal qui s’allonge lentement suivant la verticale (concrétion monocristalline). Le diamètre ne dépasse jamais le centimètre, en revanche elles peuvent atteindre de 3 ou 4 mètres de longueur, voire 6 mètres pour les plus longues.
Une fistuleuse naît de la précipitation de la calcite, à la base d’une goutte d’eau suspendue à la voûte. La solution de calcite arrive quasiment sans discontinuité au toit de la galerie par une fissure, une fente ou un pore de la roche et assure la croissance de la concrétion en longueur. Elle développe verticalement grâce à la force dominante qui est la pesanteur. La goutte d’eau reste suspendue à l’extrémité du tube, soumise à des forces de capillarité (tension superficielle). Ces tensions étant isodiamétriques (égales dans toutes les directions de l’espace, dans un plan horizontal), elles donnent à la section de la concrétion la forme d’un cercle. Celle-ci, se développant dans l’atmosphère de la grotte, n’est soumise à aucune autre contrainte sinon le point d’attache à la voûte de la galerie. Les fistuleuses sont très fragiles, il suffit d’un léger souffle d’air ou d’un faible mouvement tectonique pour qu’elles se rompent.
C’est en regardant derrière nous à chaque pas que nous avons quitté ce merveilleux spectacle pour le retrouver deux salles plus loin juste avant le méandre terminal, des fistuleuses formant un remarquable rideau joignant le plafond au sol. Très impressionnantes à voir mais hélas nos batteries étaient à plat, c’est difficile de couvrir près de 3 km de développement. Nous étions à la fois déçu de ne pas pouvoir mémoriser ces instants magiques et heureux de trouver une autre raison pour revenir qui s’ajoute à l’exploration d’autres coins dans la grotte, chercher d’éventuelles connections avec la grotte de la Mine et refaire la topographie.
La satisfaction
A la sortie de la grotte à l’aube, on ne pouvait entendre que des expressions de félicitations et de joie, nous venons de vivre des moments et des émotions que seule la spéléologie pouvait offrir. Le groupe a plié bagages, a nettoyé le site… Départ pour Zaghouan vers 11h du matin du 3eme jour.
L’expédition Ain D’Hab 2010 constitue un tournent dans la pratique de la spéléologie en Tunisie, vu que cette grotte présente des conditions difficiles et inhabituelles pour le spéléologue tunisien (progression dans l’eau, relief glissant, température de l’eau, humidité élevée…). Malgré tout ça une équipe 100% tunisienne a relevé le défi par des moyens simples mais efficaces et a prouvé que les spéléologues tunisiens sont d’un niveau respectable.
Enfin nous voudrions adresser un grand merci :
Aux autorités régionales du gouvernorat de Siliana qui nous ont facilité la tâche.
A la garde nationale de Siliana Sud qui a veillé sur nous.
A tous ceux qui ont participé de près ou de loin a la réussite de cette expédition.
Ah ! Ain D’Hab comme tu es belle ! Pardon comme VOUS êtes belle. Une grotte comme elle, mérite le plus grand respect.